samedi 14 décembre 2013


Les références cinématographiques de Downton Abbey (2)

Soupçons d'Alfred Hitchcock (1941).


Dans les scripts de la saison 2, page 184, Julian Fellowes avoue s'être inspiré de la scène du verre de lait pour la scène de la soupière apportée par un Branson décidé à venger son cousin Bill, abattu dans la rue par un soldat anglais juste parce qu'il "avait l'air d'être un rebelle" en réalité parce qu'il était irlandais. (saison 2/épisode 3).

Un verre de lait?

Le dîner est servi! (Saison 2/épisode 3)

D'un point de vue plus général, l'histoire d'une jeune femme innocente qui doute de plus en plus de la vraie nature de son mari fait penser aux derniers épisodes de la saison 4 où les soupçons d'Anna, de Mary et de Mrs Hughes se resserrent sur un John Bates de plus en plus énigmatique. Dans les deux cas, un homme lié au suspect trouve la mort dans des circonstances mystérieuses. Dans les deux cas, le suspect est pris en flagrant délit de mensonges. Si l'on rajoute des coïncidences troublantes, il n'en faut guère plus pour en faire un coupable idéal.


Oh! quelle belle traduction directe venue de l'inconscient 

Es-tu vraiment allé à York ce jour-là? (Saison 4/ Episode 8)

Il y a des choses que l'on regrette quand on va à Londres lance perfidement Mary à John Bates (Saison 4/ CS)

Ce n'est pas très délicat de faire les poches de Mr Bates, même si c'est pour découvrir un ticket  à destination de Londres  daté du jour de la mort de Mr Green (Saison 4/ CS). 

 On peut même pousser le parallèle jusque dans la sexualité perturbée des deux épouses. Si Lina doute de son mari, c'est qu'elle n'est pas encore libérée de sa longue période de frustration sexuelle. La femme désirable et désirée n'a pas encore triomphé de la vieille fille coincée.



De même Anna qui avait jusque là manifesté une foi sans faille envers son mari, envers et contre toutes les apparences commence à douter de lui juste après la terrible agression sexuelle dont elle est victime. C'est aussi la première fois qu'elle lui ment et s'éloigne de lui. A tous égards, l'agression met son couple à l'épreuve: soit il se brise, soit il en sort plus fort que jamais.







vendredi 13 décembre 2013

Les références cinématographiques de Downton Abbey (1): 

La Règle du jeu, Jean Renoir (1939)


Un château (français) ...



... à la veille de l'éclatement de la guerre (de 1939)



Des aristocrates "upstairs" observés, critiqués et imités par leurs domestiques "downstairs"...



Une célèbre partie de chasse qui s'apparente à une mise à mort...




 




Une société "qui danse sur un volcan"...



Et sur la forme, l'utilisation brillante de la profondeur de champ, signature à laquelle Downton Abbey rend hommage à plusieurs reprises...




Saison 1/Episode 5: Mme Hughes et Cora au premier plan, Daisy et Mrs Patmore au second plan

Saison 1/Episode 5: Mrs Patmore malmène Daisy sous les yeux de Cora, rassurée par Mme Hughes

Saison 1/Episode 5: plan rapproché sur Daisy et Mrs Patmore

Saison 4/épisode 3: plan anxiogène sur le couloir déserté où se perdent les cris d'Anna  derrière la porte close.

samedi 5 octobre 2013

John Bates et l'inconscient hitchcockien





La plupart des articles consacrés au personnage de John Bates n'évoquent qu'une seule dimension du personnage, la plus immédiatement visible et la plus lumineuse. On évoque son "héroïsme", sa "droiture", son "honnêteté", sa "gentillesse", son "romantisme" etc. Il fait partie des personnages les plus populaires et appréciés de la série et son couple avec Anna est devenu culte au même titre que celui de Mary et Matthew.




Les personnages de la série ont eux un avis plus nuancé. Même Anna qui l'idolâtre le qualifie "d'asocial" (4° saison, épisode 2); Mosley dans ce même épisode lui dit que s'il s'est toujours montré courtois envers lui, il ne s'est jamais montré amical. Enfin dans l'épisode 6 de la première saison, Mrs Hugues dit à son propos "je respecte M. Bates mais je ne suis pas sûre que je l'aime". Sans parler de Thomas qui lui voue une véritable aversion ("roi de la basse-cour", "fumier condescendant" etc.)

Néanmoins la plupart d'entre eux se serrent les coudes pour le sauver ou l'aider quand il se retrouve en difficulté. Et le moins que l'on puisse dire, c'est que Bates a le don pour s'attirer des ennuis. Durant la série, il est la cible de toutes sortes de brimades et d'accusations. Qu'il encaisse stoïquement sans jamais chercher à répliquer ni même à se défendre. Bien au contraire, puisqu'il prend même sur lui les méfaits des autres, se faisant emprisonner à deux reprises pour des faits qu'il n'a pas commis. Comme s'il était coupable par essence. Or nul ne l'ignore, le thème du faux coupable est un thème hitchcockien par excellence.



Ce qui nous amène aux intentions du scénariste. Intentions pourtant évidentes dès le choix du nom de famille du personnage. A l'image de La lettre d'Edgar Poe où l'évidence qui devrait sauter aux yeux passe sous le nez des enquêteurs, personne ne semble avoir fait le rapprochement entre John Bates et Norman Bates, le personnage central d'un des plus célèbres films d'Hitchcock, Psychose (1960). Et pourtant la référence éclaire (si j'ose dire) le personnage sous un tout autre jour.
La saison 1 contient déjà des éléments importants permettant de cerner cet aspect du personnage. Dans l'épisode 6, Bates est accusé de vol par deux domestiques qui veulent le faire renvoyer, Carson le majordome et le Comte doutent et s'interrogent:

Le Comte: " Je vois Bates davantage en assassin qu'en chapardeur".

Un peu plus tard, alors que Bates leur a raconté avoir fait de la prison, il met en garde Anna qui lui a avoué ses sentiments dans l'épisode précédent et qu'il tente de garder à distance:

John Bates: "Allez vous couchez, rêvez d'un homme meilleur".

Mais Anna qui n'a nullement l'intention de renoncer à lui fait sa petite enquête (épisode 7) et découvre la preuve de son innocence. Un processus appelé à se répéter dans la suite de l'histoire.

Dans l'épisode 1 qui ouvre la deuxième saison et qui se situe deux ans après la fin de la première saison, la mère de John Bates vient de mourir. Il part à Londres pour régler la succession et tenter d'obtenir le divorce d'avec sa première femme. Bien que ce dernier ce soit pas acquis, à son retour à Downton, il demande Anna en mariage et fait des projets d'avenir avec elle...

Anna: "On ne devrait pas vendre la maison de votre mère. Pas encore."
John Bates: "On pourrait la louer, et épargner (...) Je me disais que si plus tard, on voulait..."
Anna:" Fonder une famille?"
John Bates: "Quand ce sera le bon moment, on pourrait vendre et acheter un petit hôtel, juste un petit...près d'ici, peut-être".


L'idée d'un Bates Hôtel (!) dans le Yorkshire est aussi un rappel subliminal du fait qu'Hitchcock était un cinéaste britannique "exilé" aux USA (où Downton Abbey cartonne).


Il est également frappant de constater que dans la scène où Bates fait sa demande en mariage, le visage d'Anna est éclairé alors que celui de John Bates reste dans l'ombre. De là à penser qu'elle se jette dans les bras du grand méchant loup (et non dans ceux du prince charmant) il n'y a qu'un pas.



Suspicion (1941)


Notons également que la première femme de John Bates s'appelle Véra, comme Véra Miles l'actrice qui joue la sœur de Marion Crane dans Psychose. Notons également que Véra est aussi brune qu'Anna est blonde à l'image de Madeleine-Judy, la double figure féminine de Vertigo.