samedi 5 octobre 2013

John Bates et l'inconscient hitchcockien





La plupart des articles consacrés au personnage de John Bates n'évoquent qu'une seule dimension du personnage, la plus immédiatement visible et la plus lumineuse. On évoque son "héroïsme", sa "droiture", son "honnêteté", sa "gentillesse", son "romantisme" etc. Il fait partie des personnages les plus populaires et appréciés de la série et son couple avec Anna est devenu culte au même titre que celui de Mary et Matthew.




Les personnages de la série ont eux un avis plus nuancé. Même Anna qui l'idolâtre le qualifie "d'asocial" (4° saison, épisode 2); Mosley dans ce même épisode lui dit que s'il s'est toujours montré courtois envers lui, il ne s'est jamais montré amical. Enfin dans l'épisode 6 de la première saison, Mrs Hugues dit à son propos "je respecte M. Bates mais je ne suis pas sûre que je l'aime". Sans parler de Thomas qui lui voue une véritable aversion ("roi de la basse-cour", "fumier condescendant" etc.)

Néanmoins la plupart d'entre eux se serrent les coudes pour le sauver ou l'aider quand il se retrouve en difficulté. Et le moins que l'on puisse dire, c'est que Bates a le don pour s'attirer des ennuis. Durant la série, il est la cible de toutes sortes de brimades et d'accusations. Qu'il encaisse stoïquement sans jamais chercher à répliquer ni même à se défendre. Bien au contraire, puisqu'il prend même sur lui les méfaits des autres, se faisant emprisonner à deux reprises pour des faits qu'il n'a pas commis. Comme s'il était coupable par essence. Or nul ne l'ignore, le thème du faux coupable est un thème hitchcockien par excellence.



Ce qui nous amène aux intentions du scénariste. Intentions pourtant évidentes dès le choix du nom de famille du personnage. A l'image de La lettre d'Edgar Poe où l'évidence qui devrait sauter aux yeux passe sous le nez des enquêteurs, personne ne semble avoir fait le rapprochement entre John Bates et Norman Bates, le personnage central d'un des plus célèbres films d'Hitchcock, Psychose (1960). Et pourtant la référence éclaire (si j'ose dire) le personnage sous un tout autre jour.
La saison 1 contient déjà des éléments importants permettant de cerner cet aspect du personnage. Dans l'épisode 6, Bates est accusé de vol par deux domestiques qui veulent le faire renvoyer, Carson le majordome et le Comte doutent et s'interrogent:

Le Comte: " Je vois Bates davantage en assassin qu'en chapardeur".

Un peu plus tard, alors que Bates leur a raconté avoir fait de la prison, il met en garde Anna qui lui a avoué ses sentiments dans l'épisode précédent et qu'il tente de garder à distance:

John Bates: "Allez vous couchez, rêvez d'un homme meilleur".

Mais Anna qui n'a nullement l'intention de renoncer à lui fait sa petite enquête (épisode 7) et découvre la preuve de son innocence. Un processus appelé à se répéter dans la suite de l'histoire.

Dans l'épisode 1 qui ouvre la deuxième saison et qui se situe deux ans après la fin de la première saison, la mère de John Bates vient de mourir. Il part à Londres pour régler la succession et tenter d'obtenir le divorce d'avec sa première femme. Bien que ce dernier ce soit pas acquis, à son retour à Downton, il demande Anna en mariage et fait des projets d'avenir avec elle...

Anna: "On ne devrait pas vendre la maison de votre mère. Pas encore."
John Bates: "On pourrait la louer, et épargner (...) Je me disais que si plus tard, on voulait..."
Anna:" Fonder une famille?"
John Bates: "Quand ce sera le bon moment, on pourrait vendre et acheter un petit hôtel, juste un petit...près d'ici, peut-être".


L'idée d'un Bates Hôtel (!) dans le Yorkshire est aussi un rappel subliminal du fait qu'Hitchcock était un cinéaste britannique "exilé" aux USA (où Downton Abbey cartonne).


Il est également frappant de constater que dans la scène où Bates fait sa demande en mariage, le visage d'Anna est éclairé alors que celui de John Bates reste dans l'ombre. De là à penser qu'elle se jette dans les bras du grand méchant loup (et non dans ceux du prince charmant) il n'y a qu'un pas.



Suspicion (1941)


Notons également que la première femme de John Bates s'appelle Véra, comme Véra Miles l'actrice qui joue la sœur de Marion Crane dans Psychose. Notons également que Véra est aussi brune qu'Anna est blonde à l'image de Madeleine-Judy, la double figure féminine de Vertigo.





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